ENFANTILLAGE(S) (2013)

Avec « Enfantillage(s) », l’œil du photographe questionne la relation à l’Animal. L’ensemble des diptyques photographiques qui composent ce travail insiste sur l’établissement et la construction de cette relation. L’Animal y est représenté inanimé, prisonnier de situations en apparence opposées qui tour à tour interrogent nos représentations ; il est « apprivoisé » dans le symbole de la peluche ou radicalement « dominé » dans le symbole de la mort. Photographier l’animal mort, victime de la route, ne se veut aucunement culpabilisateur. C’est une mort fortuite qui est révélée, dont l’indifférence fait écho au bouillonnement innocent du jeu des enfants.

Dès l’enfance, le rapport à l’animal semble tissé de liens affectifs forts symbolisés dans la relation à la peluche. On y lit l’empathie pour l’Animal familier, le compagnon sur lequel nous projetons nos croyances et nos affects, et pour l’Animal domestique aussi, celui que nous avons en partie façonné pour répondre à nos besoins. Mais cette lecture se fait en miroir de l’ignorance de l’Animal sauvage victime de nos routes. Le contraste du dytique choque et dérange. Pour chacun, nous passons de l’insouciance contenue dans une relation infantile à l’ignorance littéralement écrasante qui participe d’un rapport sociétal.

La photographie, telle qu’elle est utilisée ici provoque l’interrogation. De ce mode relationnel hérité de l’enfance, que conservons-nous à l’âge adulte ou encore à l’échelle de nos sociétés ? L’ignorance renvoie-t-elle à l’indifférence pour l’Animal sauvage ou bien à une méconnaissance de celui-ci? En un sens, « Enfantillage(s) » ne nous rappelle-t-il pas qu’à l’inverse de la peluche, l’animal sauvage n’est pas un compagnon qui partage nos émois mais des milliers d’espèces qui disposent chacune de leur monde sensitif propre ?

Marie Bourjade

Ethologiste

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